*** SPÉCIALE ANIMAUX ***

Tableau de Pierre Coutreau

*** Chatterie ***

 

Le petit chat est mort ! Comme il était mignon.
 Un chat sans pedigree, qui n’avait pas de nom.
 Un vulgaire matou, né de mère inconnue
 Qu’elle avait un matin trouvé dans une rue.



 N’écoutant que son cœur, dans un élan soudain,
 Elle prit le chaton dans le creux de ses mains.
 Il était si petit, encore si fragile,
 Se laisser attendrir ne fut pas difficile.



 Le jeune vagabond devint un chat superbe,
 Qui aimait au printemps à se rouler dans l’herbe,
 Courait le papillon sous le soleil de juin,
 Se pâmait à vos pieds pour quêter le  câlin.



 Quand lui prenait l’envie, il partait en balade,
 Fuguait les jours d’été pour d’autres escapades
 Dans les jardins voisins, dans les bois d’alentour,
 Libre comme le vent, mais fidèle toujours.

 

Quand il s’en revenait, à la lune pâlotte,
 Ce tigre de salon se mettait en pelote.
 Couché pattes en rond sur le coussin moelleux,
 Il dormait tout son soûl, nez dans son poil soyeux.



 Un jour fatal, hélas, sur la maudite route
 Qui était à ses yeux attrayante, sans doute,
 Par trop impatient de retrouver Sylvie,
 Le petit imprudent dit adieu à la vie.



 Bien vide est la maison depuis qu’il l’a quittée.
 Délaissant tristement peluches et poupées,
 La fillette au cœur gros pleure son compagnon.
 Le petit chat est mort ! Il était si mignon.

 

Renée Jeanne Mignard

                                                                  

 

La Sauterelle et le Ver Luisant

 

Une dame sauterelle,
Qui rentrait un soir chez elle
Une lanterne à la main,
Rencontra sur son chemin
Un aimable ver luisant
Qui faisait en s’amusant
De grands effets de lumière.
Oh là, tout doux mon compère.
Dit l’insecte furieux.
Vous me faites mal aux yeux.
Veuillez éteindre vos phares,
Et en codes, dare-dare,
Remettez-vous sur le champ
Les feux du soleil couchant
Sont suffisants pour y voir.
Sur ce, je vous dis bonsoir.

 

Comme elle disait ces mots,
Au creux d’une flaque d’eau
Elle chut, tête première.
De grâce, un peu de lumière,
Cria-t-elle en barbotant.
J’ai bonne vue, et pourtant,
Sur cette maudite route,
A présent, je n’y vois goutte.
Le soleil se met en berne
Et j’ai perdu ma lanterne.
Approchez d’un peu plus près.
Éclairez-moi,  s’il vous plaît,
Que je sorte de ce trou,
J’ai de l’eau jusqu’aux genoux !

 

Mais elle attendit en vain.
C'est par ses propres moyens
Qu’elle regagna la terre
Et se tira de l’affaire.
Son échec était cuisant .
Notre ami le ver luisant,
Immobile sous l’herbette,
 Lança d’une voix fluette :
 "Désolé, je suis en panne" !

 

Que cela ne vous surprenne,
Moi, j’assistais à la scène.
Trempée, dame sauterelle
Rentra bien vite chez elle,

Sans cesser de grommeler,
 Maudissant son franc parler,
Se jurant qu’à l’avenir,
Sa langue saurait tenir,
Pour ne plus subir l’injure
De telle mésaventure.

 

Et pendant ce temps là……

 

Une jeune coccinelle
Qui rentrait alors chez elle,
Dans une rose trémière,
Rencontra chemin faisant,
Un aimable ver luisant,
Qui faisait en s’amusant
De grands effets de lumière.

 

Renée Jeanne Mignard

 

  

 

*** Moi, Braque ***

 

Je suis un braque de Weimar,
Sympathique, et aimant la chasse.
Je ne suis jamais en retard
Pour flairer et suivre la trace.



Dès que l’aube pointe son nez,
Le mien frémit de joie entière.
C’est plus fort que moi, je suis né,
Pour remplir une gibecière.



Oui, mais voilà. Moi, j’ai un maître
Qui ne tire pas le gibier.
Qui n’a jamais voulu connaître
Cette folle envie de tuer.



Et c’est bien pour ça que je l’aime.
Tant pis si je m’ennuie un peu.
Il écrit de si beaux poèmes,
Il a tant d’amour dans les yeux.



Lorsque j’entends un congénère
Aboyer de plus en plus haut,
J’ai compassion sincère
Pour le lièvre et le perdreau.



Je suis un braque de Weimar
Qui n’a plus de goût pour la chasse.
Et j’avoue que pour un canard,
Je ne donnerais pas ma place.



Renée Jeanne Mignard

 

 

*** Imprudence ***

 

Dans la garde-robe douillette
 D’une maîtresse de maison,
 Une mite fait la dînette
 Sur un beau manteau de vison.



 Elle avait élu domicile
 Quand l’automne était reparti
 Pour passer un hiver tranquille,
 Bien au chaud et bien à l’abri.



 Elle pouvait faire bombance
 Pour toute la saison d’hiver,
 Bénissant chaque jour la chance
 D’avoir le gîte et le couvert.



 D’une vie trop calme on se lasse.
 C’est ainsi que gras et repu,
 Notre insecte quitta la place
 Quand le printemps fut revenu.



 Elle eut vite la grosse tête,
 Car sitôt qu’elle paraissait,
 Chacun dehors lui faisait fête,
 Et tout le monde applaudissait.

 

Que j’ai bien fait, se disait-elle,
De changer un peu de quartier.
Et de faire vibrer ses ailes,
Et de chanter à plein gosier.



C’est alors que notre imprudente
Qui se croyait une diva,
Happée par deux mains diligentes
Passa de la vie au trépas.



Cette amusette ne réclame
Qu’une simple conclusion.
Que l’on  soit mite, ou qu’on soit femme,
Rien ne vaut l’abri d’un vison.



Renée Jeanne Mignard

 

 

 

Les Deux Écureuils

 

 

Deux petits écureuils, n’en faisant qu’à leur tête,
 Décidèrent un jour de partir en goguette.
 Ils habitaient ensemble en un charmant logis,
 Dans le tronc d’un vieil arbre, en forêt, loin d’ici.
De janvier à décembre, au printemps, à l’automne,
 Avouons que pour nous, c’est plutôt monotone,
 Se dirent-ils tous deux, un certain soir d’hiver.
 Aux premiers jours de mai, c’est juré, on prend l’air.

 

Ne se dédirent point, ce qui fut dit fut fait,
 Le printemps venu, un jour du mois de mai, 
 Bouclèrent leur bagage, et leur raison bien forte,
 Mirent leurs beaux atours et la clef sous la porte.
 Dès qu’ils furent partis, n’en crurent pas leurs yeux,
 Ce qu’ils découvraient là leur semblait merveilleux.
 La campagne muette, entourée de mystère,
 Des villes, des maisons, des autos, la lumière.

 

 Ah ! combien leur forêt leur semblait ridicule,
 Et leur petit logis vraiment trop minuscule.
 Voilà, c’est ça la vie, disaient nos vagabonds.
 Nous devons profiter de tout ce qui est bon.
 Je n’imaginais pas félicité pareille,
 Et qu’il pût exister tant et tant de merveilles ! »
 Et nos globe-trotters, toujours inséparables,
 Trouvaient leur équipée en tout point formidable.

 

  Les jours après les jours, tout devient habitude.
 Ils ressentent soudain un peu de lassitude.
 Ils sont blasés de tout, plus rien ne les épate,
 Et que le monde est grand à leurs petites pattes.
   Nous ne connaissons pas tous ces gens que l’on voit.
 N’avons pas de voisins, pas d’amis, pas de toit.
 Il y a trop de bruit, et puis ça sent mauvais.
 Ah ! Qu’elle sentait bon au matin la forêt.
 Allons, préparons-nous à repartir demain,
 Et rentrons au pays par le plus court chemin.

 

Lorsqu’ils furent en vue de leur petit logis,
"Nous n'aurions jamais dû nous éloigner d'ici.
Vois comme elle est jolie notre forêt profonde.
Mais nous eûmes raison de  parcourir le monde.
Nous n'aurions jamais su, si nous ne l'avions fait,
  Combien pour tous les deux notre chez  nous comptait.
Entends, tous les oiseaux nous chantent bienvenue.
C'est la paix en nos coeurs, et la joie revenue.
Que l'on est bien chez soi, qu'il fait bon revenir.
Et nos deux compagnons, savourant leur plaisir,
Avant de refermer la porte sur leurs pas,
Mirent cet écriteau:"Ne nous dérangez pas"!

 

Renée Jeanne Mignard

 

 

*** Abandon ***

Tableau de Pierre Coutreau

T

 

Je suis un chien perdu, un chien abandonné.
 On m’a pris tout l’amour que je pouvais donner.
 Il y a bien des jours que je suis vagabond.
 Mes maîtres bien-aimés, si gentils et si bons,
 En partant en congé la semaine dernière,
 M’ont je ne sais pourquoi, jeté par la portière.



 Je croyais à un jeu, un peu cruel peut-être,
 Mais j’ai vu tout à coup leur auto disparaître.
 Et je suis resté là au milieu de la route.
 J’étais endolori, la culbute, sans doute.
 Cependant j’ai couru, couru à perdre haleine,
 En aboyant très fort, pour qu’enfin, ils reviennent.
 Ce fut en vain, hélas !ne m’entendirent pas.
 Et je suis malheureux, et je ne comprends pas.



 Bien sûr, je deviens vieux, je n’y vois plus très bien.
 Ah, qu’il est loin le temps, où encor jeune chien,
 Ayant touché le cœur de la petite fille,
 Je faisais mon entrée au sein de la famille.
 J’étais choyé alors, et rien n’était trop beau.
 On me comblait d’honneurs, de baisers, de cadeaux.
 Quand je devins plus grand, je n’ai pas oublié,
 On m’accrocha au cou un superbe collier.
 Je n’étais pas peu fier quand ma jeune maîtresse,
 M’emmenait promener en me tenant en laisse.

 


 J’appris à faire le beau à leur donner la patte,
 A lancer un ballon, à cacher des savates,
 A ne pas aboyer quand c’était défendu,
 A revenir au pied, à rester étendu
 A faire le gardien près du petit berceau,
 A jouer au cheval, les enfants sur mon dos,
 Bref, pendant des années, jusqu’à ce jour fatal,
 Ce fut le grand bonheur, ineffable, total.
 A présent c’est fini, je ne suis que douleur.
 Je ne leur en veux pas, ils n’avaient pas de cœur.



 Mais je me sens bien las, j’ai froid, je suis mouillé.
 Seigneur, je voudrais tant retrouver un foyer.
 Je me ferai petit, ne tiendrai pas de place.
 Je sais, je ne suis pas un chien de bonne race,
 Mais pour peu que l’on m’aime et que l’on me caresse,
 Je ne demande rien qu’un peu de gentillesse.
 Que de ce noir chagrin, bien vite, on me délivre,
 Et qu’on me rende enfin ma joie, ma joie de vivre.
 Je suis un chien perdu, un chien abandonné,
 Pourtant, j’ai tant d’amour encor à vous donner.



 Renée Jeanne Mignard

 

 

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